Nouveau rapport du Conseil de conservation : le changement climatique, les inondations et les tempêtes de glace influent sur notre santé

Les prévisions sont catastrophiques, mais les solutions dont nous avons besoin pour ralentir le changement climatique seront bénéfiques pour notre santé et notre bonheur.

Le ciel est clair et le soleil brûlant.

Une épaisse couche d’ozone ondule au-dessus de l’asphalte. Peu importe la quantité d’eau que vous buvez, vous savez qu’elle ne suffira pas à remplacer la quantité que vous perdez par la transpiration, que vous bougiez ou non.

Et pour bon nombre de Néo-Brunswickois, qui habitent dans la province dont la population de plus de 65 ans est la plus importante au pays, il n’est pas question de s’adonner à une quelconque activité.

C’est la troisième journée de suite à plus de 30 degrés. Vous êtes agité. Épuisé. Même si vous vous êtes enfermé à l’intérieur, rideaux tirés, à fondre dans votre chaise depuis le début de la vague de chaleur.

Vous avez déjà vécu ce type de journée au fil des ans. Mais jamais autant l’une à la suite de l’autre. Jamais de façon aussi persistante.

Déprimé, vous vous rendez compte que ces journées tièdes et libératrices qui rendaient l’été néo-brunswickois si magnifique se font de plus en plus rares, et que la situation ne s’améliorera pas. 

Ainsi va la vie aujourd’hui.

Un scénario ir(réel) 

Mais ce n’est pas une fatalité. Fondé sur des données scientifiques, le scénario ci-dessus indique ce que sera le destin du Nouveau-Brunswick si les gouvernements, les entreprises, l’industrie et les citoyens ne prennent pas des mesures sérieuses pour limiter la pollution par le carbone à l’origine de la crise climatique que nous subissons déjà.

Dans quelle mesure la situation va-t-elle empirer? Qu’est-ce que cela signifiera pour la vie de tous les jours au Nouveau-Brunswick? Qui en souffrira le plus? Pouvons-nous y faire quelque chose?

Ces questions sont abordées dans le nouveau rapport du Conseil de conservation, La santé climatique pour des Néo-Brunswickois en santé : Une proposition pour diminuer la pollution et protéger la santé de la population du Nouveau-Brunswick, élaboré par Mme Louise Comeau et publié à la fin du mois de juin.

Conclusion : il y a de l’espoir. Il y a, en effet, des mesures concrètes que nous pouvons prendre pour changer les sombres prévisions présentées ci-haut et dans le rapport. 

Mais, voyons tout d’abord les prévisions établies conformément aux conclusions des recherches scientifiques et des données sur la santé du Nouveau-Brunswick concernant la vie dans notre province entre 2021 et 2050.

La mauvaise nouvelle

Il se peut que vous pensiez que le changement climatique ne pose pas un problème de santé publique. Étant donné l’accent prépondérant que l’on met sur la détérioration environnementale, la disparition des espèces et l’endommagement des infrastructures publiques et privées, vous êtes pardonnables. Mais, lorsqu’on associe les données de sources telles que celles de l’Atlas climatique du Canada et des profils de santé communautaires du Conseil de la santé du Nouveau-Brunswick, entre autres, on obtient un scénario qui donne vraiment à réfléchir.

C’est ce scénario que Mme Comeau expose dans son rapport, qui constitue la première analyse globale des répercussions du changement climatique sur la santé physique et mentale des Néo-Brunswickois, mais plus particulièrement des très jeunes enfants, des aînés, des personnes isolées et des personnes à faible revenu.

Elle y présente également des prévisions climatiques ainsi que le profil de santé communautaire actuel de 16 collectivités du Nouveau-Brunswick, dont les régions d’Edmundston, de Campbellton, de Dalhousie, de Bathurst, de Caraquet, de Miramichi, de Moncton, de Sackville, de Sussex, d’Oromocto, de Fredericton, de Minto, de Woodstock, de Grand-Sault, de St. Stephen, et de Saint John. 

Qu’en est-il de la météo?

Les Néo-Brunswickois n’ont pas l’habitude des journées caniculaires à plus de 30 degrés, et encore moins sur de longues périodes. Mais, selon les données, c’est à cela que nous devons nous attendre à court et moyen terme.

Dans son analyse, Louise Comeau montre qu’au cours des 30 prochaines années, le nombre de journées à plus de 30 degrés augmentera de 122 à 300 % dans chacune des collectivités indiquées ci-dessus durant l’été si nous n’unissons pas nos forces pour éliminer la pollution qui emprisonne la chaleur et provoque le réchauffement planétaire.

Par exemple, Fredericton, peut s’attendre à avoir au moins 20 de ces journées caniculaires chaque été, par rapport à la moyenne de huit enregistrée entre 1976 et 2005, soit une augmentation de 150 %. 

Bathurst pourrait avoir au moins 14 journées très chaudes d’ici à 2021, et jusqu’en 2050, soit bien plus que sa moyenne actuelle de six journées. Les régions de Miramichi et de Minto afficheront 20 journées caniculaires, Oromocto en enregistrera 21 (12 de plus qu’aujourd’hui), Woodstock 15 (6 de plus qu’aujourd’hui), St. Stephen 11 (7 de plus qu’aujourd’hui) et la région de Sussex 12 (8 de plus qu’aujourd’hui), pour ne citer que ces quelques exemples.

C’est une énorme différence par rapport à la normale. La température influence les cycles de la nature, notre mode de vie ainsi que notre santé mentale et physique. 

Par exemple, nous savons que les vagues de chaleur peuvent causer le décès des personnes âgées ou malades, comme nous avons pu le constater ces dernières années en Europe, aux États-Unis et au Québec. Autre réalité : la chaleur accrue favorise l’apparition des problèmes de santé ou exacerbe les troubles existants.

Des chercheurs du domaine de la santé du monde entier ont constaté que le changement climatique contribuait à l’apparition des troubles respiratoires (à cause de l’augmentation de la pollution atmosphérique, des feux de forêt extrêmes, des épisodes de sécheresse et des tempêtes de poussière), des réactions allergiques (surtout à cause de la présence accrue de l’herbe à poux), des cancers, des blessures traumatiques, des maladies d’origine vectorielle (imputables aux insectes porteurs de maladies, comme les tiques à pattes noires), des maladies d’origine alimentaire et hydrique (l’eau contaminée constituant un milieu propice à la croissance bactérienne), de la malnutrition et des troubles de santé mentale (en raison de l’obligation de quitter son foyer, du chagrin causé par la perte de biens auxquels on tient, du stress induit par les phénomènes météorologiques extrêmes, de l’anxiété et de la dépression), et amplifiait l’ensemble de ces problèmes. 

Une augmentation des jours sans gel…mais ne nous réjouissons pas trop vite

Comme Louise Comeau le montre dans son analyse, des températures moyennes plus élevées, surtout au printemps et en hiver, entraînent une augmentation du nombre de jours sans gel par année. Cela signifie que, par rapport à la moyenne enregistrée entre 1976 et 2005, les Néo-Brunswickois peuvent s’attendre à une augmentation de 19 à 22 jours sans gel entre 2021 et 2050.

Mais ne nous réjouissons pas trop vie.

Des températures plus élevées augmentent le risque d’exposition aux tiques porteurs de la maladie de Lyme et ouvrent la voie à des conditions climatiques propices à l’expansion et à l’arrivée d’autres espèces de tiques et de maladies. Nous sommes déjà témoins de ce scénario, surtout dans le Sud du Nouveau-Brunswick. En 2017, on a répertorié 29 cas confirmés de maladie de Lyme dans la province, ce qui est plus élevé que les huit cas enregistrés l’année précédente. 

Plus de pluies torrentielles, plus d’inondations extrêmes

Durant les décennies à venir, l’augmentation des températures occasionnera une augmentation des précipitations au Nouveau-Brunswick. Parce qu’un air plus chaud est plus humide. Selon les calculs des scientifiques, chaque augmentation d’un degré Celsius provoque une augmentation de 7 % de l’humidité dans l’atmosphère. 

Qu’est-ce que cela signifie? Dans son analyse, Louise Comeau montre que les précipitations qui surviendront au Nouveau-Brunswick seront probablement moins fréquentes, mais plus intenses, ce qui provoquera une augmentation des précipitations annuelles totales dans l’ensemble de la province.

Il en résultera, d’une part, une augmentation des averses torrentielles, de la quantité de neige et de la profondeur de la neige, qui viendra intensifier les inquiétudes liées aux crues printanières et accroître les risques d’inondations, et,  d’autre part, une augmentation de la pluie verglaçante en hiver, qui provoquera des inondations hivernales ainsi que des embâcles et des surfaces glacées et enneigées qui rendront les déplacements dangereux, surtout pour les aînés. 

En 2018 et 2019, le Nouveau-Brunswick a connu des inondations sans précédent le long de la rivière Wolastoq (St. John), en partie à cause d’accumulations de neige et de pluies supérieures à la moyenne (imputables en partie au changement climatique). Il y a, bien sûr, d’autres facteurs, comme l’affectation des terrains et des forêts, les problèmes de planification du développement des plaines inondables, auxquels il faut ajouter la variabilité naturelle et l’influence prépondérante du changement climatique, qui accroissent la probabilité des phénomènes extrêmes, dont les inondations.

Selon les prévisions, les pluies pourraient augmenter de 7 à 9 % à court et à moyen terme au printemps, et la neige, la pluie et la pluie verglaçante de 8 à 11 % en hiver, les quantités les plus importantes étant attendues dans les collectivités du Nord.

Nassir El-Jabi, hydrologue à l’Université de Moncton, a récemment déclaré à la CBC qu’il estimait que, d’ici à 2100, au Nouveau-Brunswick, des inondations fréquentes, mais peu importantes pourraient entraîner une augmentation de 30 à 55 % des niveaux d’eau, et les inondations extrêmes, telles que celles survenues en 2018 et 2019, pourraient être de 21 % plus importantes. 

Dans son rapport, Louise Comeau indique que « les conditions météorologiques deviennent plus chaudes, plus humides, plus extrêmes et moins sécuritaires, parce que les niveaux de gaz à effet de serre ne sont pas où ils devraient être et que nous ne changeons pas nos habitudes. »

Dépression et abandon

Suite à la Grève des écoles pour le climat lancée par Greta Thunberg, une jeune suédoise de 16 ans, nous avons pris conscience que les jeunes enfants et les adultes se font de plus en plus de souci concernant le changement climatique. L’hiver et le printemps derniers, des étudiants de Fredericton, de Moncton, de Campbellton, d’Edmundston, de Saint John et de Sackville se sont joints au mouvement en sortant de leur école pour manifester contre la léthargie du gouvernement et de l’industrie face au changement climatique.

Les professionnels de la santé mentale sont de plus en plus préoccupés par les effets psychologiques du changement climatique. Les conséquences du changement climatique, telles que les coupures de courant, peuvent saper le bien-être des gens et provoquer une sorte d’éco-anxiété, c’est-à-dire la peur chronique d’un destin climatique funeste. 

Au-delà du stress et de l’anxiété instantanément suscités par les catastrophes liées au changement climatique, les troubles de santé mentale et chronique que ces événements provoquent sont encore plus effrayants.

Selon l’American Psychology Association, ces effets comprennent les troubles de stress post-traumatique, la dépression, le suicide, l’abus de substances, la détérioration des relations sociales, les agressions, la violence ainsi que des sentiments d’impuissance, de crainte et de fatalisme. 

Qu’est-ce que tout cela signifie?

Les aînés et les mères célibataires à faible revenu qui vivent dans une maison mal isolée sans système de climatisation sont plus vulnérables à la chaleur accablante et aux phénomènes climatiques extrêmes. Ces personnes n’ont pas toujours un véhicule pour quitter leur maison ou risquent de n’avoir que peu de connaissances auxquelles elles peuvent demander de l’aide en cas de panne de courant.  

Une femme âgée qui vit seule, dont le revenu est faible, qui est atteinte d’un ou de plusieurs problèmes de santé et qui n’a que peu de contacts sociaux est particulièrement vulnérable aux problèmes de santé mentale et physique qui accompagnent les phénomènes extrêmes aggravés par le changement climatique. 

Les journées caniculaires et le smog (ozone au niveau du sol nocif pour le cœur et les poumons) posent des risques accrus pour les personnes qui souffrent d’asthme.

En règle générale, le Nouveau-Brunswick affiche de bas niveaux de pollution liée au smog. Cependant, des collectivités comme Saint John, Belledune et Edmundston, qui abritent des exploitations industrielles (pulpe et papier, centrales électriques au charbon, fusion du plomb et raffinage de pétrole), enregistrent des niveaux de particules fines proches du maximum ainsi que de plus fortes concentrations de smog.

Katie Hayes, une chercheuse réputée qui axe ses travaux sur les effets du changement climatique sur la santé mentale, souligne dans son récent document que les effets du changement climatique sur la santé mentale sont en train de s’accélérer, ce qui provoque un certain nombre de répercussions directes, indirectes et générales qui affectent de façon disproportionnée les personnes les plus marginalisées.

La bonne nouvelle : un meilleur scénario 

Le ciel est clair et le soleil brûlant.

Le mercure a dépassé la barre des 30 degrés, et vous vous souvenez avoir lu, il y a environ 20 ans, la prévision vous avertissant que ce type de journée deviendrait de plus en plus la norme. Vous êtes heureux que les mesures prises à tous les échelons, des collectivités aux plus hauts niveaux du gouvernement et de l’industrie, aient permis d’éviter une telle catastrophe.

Il n’en reste pas moins que, ce jour-là, vous décidez de rester à l’intérieur. Vous ne tolérez tout simplement plus la chaleur aussi bien que lorsque vous étiez jeune.

Mais, à l’intérieur, l’atmosphère est paradisiaque : grâce à des portes et à des fenêtres spéciales, à un grenier, à un sous-sol et à des murs super isolés, vous vous sentez à l’aise, quelle que soit la température extérieure, chaude ou froide.

Vous apercevez le reflet du rayon de soleil qui frappe le pare-brise de votre voiture électrique stationnée dans l’allée. Elle est en train de se recharger à partir des panneaux solaires installés sur le toit de votre maison et d’un groupe de batteries placé sur le mur et dissimulé par un tableau de votre artiste préféré.

Même si vous avez besoin de plus de courant que celui que vous fournissent vos panneaux et vos batteries, vous êtes tranquille, car vous savez que le reste vient d’un service public entièrement alimenté par des sources d’énergie renouvelable.

Les usines au charbon et au gaz d’hier sont depuis longtemps fermées, et les personnes qui y travaillaient profitent aujourd’hui d’une nouvelle carrière dans les secteurs florissants des technologies et des énergies propres.

La qualité de l’air ne vous préoccupe pas vraiment, ce qui n’était pas le cas lorsque vous habitiez à côté de la plus grande raffinerie de pétrole du Canada, qui se trouvait alors à Saint John. 

Les taux de cancer ont diminué dans toutes les régions, y compris à Port City, à Edmundston et à Belledune, où se trouvaient à l’époque des industries lourdes et polluantes.

Vous vous levez pour aller à la cuisine vous préparer un sandwich avec des légumes cultivés à quelques rues de chez vous, dans l’un des jardins communautaires qui parsèment le paysage du quartier.

Vous souriez. Ainsi va la vie aujourd’hui.

 Un nouveau scénario

Nous n’y échapperons pas : notre vie dépend et dépendra toujours de l’énergie. Mais nous pouvons choisir d’où provient cette énergie : soit de sources qui polluent notre environnement et nuisent à notre santé, comme le charbon, le pétrole et le gaz, soit de sources qui offrent un meilleur équilibre par rapport à ce que notre planète peut supporter. Ce choix nous appartient. 

Aujourd’hui, c’est un choix que nous devons exiger.

Le rapport de Louise Comeau ainsi que le Plan d’action sur le climat du Conseil de conservation publié en 2016 proposent une stratégie pour concrétiser le scénario source de santé et de bonheur présenté dans la section précédente. 

La résolution de l’enjeu du changement climatique permettra de remédier à tant de problèmes sur les plans social, environnemental, de la santé et du travail que nous ne pouvons pas considérer qu’il s’agit d’une simple crise, mais d’une occasion en or de rétablir la situation. 

Il n’en reste pas moins que les prévisions scientifiques sont funestes. 

En effet, selon le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, nous avons environs 10 ans pour résoudre les problèmes liés au changement climatique. Et même si nous y arrivons, nous serons confrontés à certaines répercussions.

Mais nous pouvons faire ce qui est juste; nous pouvons limiter la souffrance. Nous ne devons pas nous désespérer, ni nous décourager. 

Alors, que pouvez-vous faire dès aujourd’hui?

Parlez du changement climatique. Lisez les recommandations que Louise Comeau fait dans son rapport et partagez-les avec toutes les personnes que vous connaissez. 

Faites tout votre possible chez vous et autour de vous pour limiter la pollution par le carbone que vous émettez dans l’atmosphère. Mais les changements que nous devons faire vont au-delà d’une meilleure isolation et des appareils éconergiques. 

Dans son rapport, Louise Comeau encourage toutes les personnes désireuses de protéger la santé du public des effets à court et à long terme du changement climatique à faire entendre leur voix et à exiger des entreprises, de l’industrie et des politiciens qu’ils prennent les mesures qui s’imposent. 

Il y a un meilleur scénario. Il nécessite un travail acharné, mais, ensemble, nous pouvons en faire une réalité. 

Envoyez votre lettre au premier ministre Higgs.

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