Les rivières du Nouveau-Brunswick sont laisées pour compte

Au plus fort de la saison de pêche au Nouveau-Brunswick, pendant que les pêcheurs leurrent le saumon de l’Atlantique sur la célèbre rivière Miramichi, et que les enfants naviguent à travers d’épais fourrés à la recherche de leurs endroits préférés pour se baigner, la publication d’un rapport a révélé une triste et sombre réalité pour les rivières tant appréciées de notre province.

Le 15 août 2014, l’ombudsman du Nouveau-Brunswick, une autorité indépendante de la législature provinciale, a publié les détails de son enquête sur la façon dont le ministère de l’Environnement a géré son programme de classification des eaux.

Mis en œuvre en 2002, le programme a été le premier au Canada à adopter une approche proactive fondée sur les bassins hydrographiques afin de protéger les rivières. À ce sujet, l’ombudsman a constaté que le programme n’était rien de plus qu’une illusion, donnant aux Néo-Brunswickois une fausse impression à propos de la sécurité de leurs rivières, et ce, depuis plus d’une décennie.

Au cours des douze années d’existence du programme, pas un seul cours d’eau n’a été protégé par le système de classification; en fait, le programme en place a plutôt été en proie à la confusion bureaucratique, à la faible volonté politique et à l’utilisation abusive du pouvoir des élus chargés de le superviser. « Comme un avertisseur de fumée sans pile, la réglementation semble traiter et corriger un problème, alors qu’en réalité elle ne fait rien de la sorte » a écrit dans son rapport l’ombudsman de la province, Charles Murray. Il conclut : « le programme de classification est comparable à un mirage, trompant les observateurs à leur détriment ». Cela est bien loin de ce qui était attendu par les écologistes et les fonctionnaires du ministère de l’Environnement lors du dévoilement du programme.

Le programme de classification des eaux fut présenté conformément au Règlement 2002-13 comme une tentative progressive d’établir des normes de qualité de l’eau pour les rivières du Nouveau-Brunswick. Ce règlement donnait la permission aux organismes communautaires de recueillir des échantillons d’eau, d’en analyser la qualité et de fixer des objectifs pour maintenir ou améliorer la qualité de l’eau des rivières. Il s’agissait de la dernière pièce d’un régime réglementaire progressif mis en œuvre par le gouvernement provincial, en complément de la Désignation du secteur protégé du champ de captage (adoptée en 2002) et de la Désignation du secteur protégé de bassins hydrographiques (adoptée en 2001). Au fil du temps, le ministère a reçu dix-neuf propositions distinctes concernant la classification en provenance de divers groupes d’un bout à l’autre de la province. Parmi les propositions se trouvait celle de l’Association du bassin versant de la Nashwaak, qui avait été particulièrement proactive dans ce dossier après avoir obtenu un financement du gouvernement dans le but d’effectuer des tests de qualité de l’eau, avant même que le règlement ne soit adopté. Dans son rapport, l’ombudsman a noté que le ministère avait tous les documents nécessaires pour classer la rivière Nashwaak au plus tard en 2003. Ce qui a suivi correspond à des années de correspondance entre le ministère et l’Association de la Nashwaak, au cours desquelles les fonctionnaires ont décrit la rivière et d’autres cours d’eau de la province comme étant « provisoirement » classés, donnant l’impression qu’il s’agissait que d’une question de temps avant que le classement définitif soit prononcé.

Frustrés par l’absence de progrès concernant le programme, l’Association de la rivière Nashwaak et ses partisans, dont le Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick, ont déposé une plainte au bureau de l’ombudsman en février 2013, ouvrant ainsi la voie à l’enquête de M. Murray. « Je pense que les Néo-Brunswickois ont été désagréablement surpris et consternés d’apprendre que nos rivières n’étaient pas protégées », a déclaré Stephanie Merrill, coordonnatrice du programme de protection des eaux douces pour le Conseil de conservation. Elle a poursuivi : « Nous avons tous les droits d’être déçus; comment se fait-il que dans une province comme le Nouveau-Brunswick, où une grande partie de notre culture, de notre patrimoine et de nos loisirs gravitent autour de nos rivières, que notre gouvernement ait pris autant de retard afin de fournir la protection que les gens d’ici veulent pour leurs cours d’eau? ».

 

Dans une récente entrevue avec le Conseil de conservation, l’ombudsman a déclaré que la plus troublante constatation de son enquête était que depuis bon nombre d’années, le gouvernement avait donné aux citoyens la fausse impression que les cours d’eau de la province étaient protégés. « Ceci est un échec fondamental. Il ne peut guère être plus cuisant que cela », a-t-il dit. Son rapport a fourni quelques explications, citant la confusion au sein du ministère de l’Environnement sur l’autorité juridique du règlement et l’utilisation abusive et troublante du pouvoir discrétionnaire ministériel par les ministres successifs afin d’éviter l’approbation des propositions, mais, par-dessus tout, M. Murray a affirmé qu’un manque flagrant de volonté politique était à blâmer.

 

Malgré tout, c’est là que réside l’espoir d’un avenir meilleur pour les cours d’eau du Nouveau-Brunswick. En effet, un nouveau gouvernement provincial, sous la direction du premier ministre libéral Brian Gallant, a été assermenté le 7 octobre 2014. Au cours de la campagne électorale de l’automne, le Parti libéral du Nouveau-Brunswick s’est engagé à « prendre des mesures pour aider à assurer la santé de nos rivières et de l’eau potable ». « C’est l’occasion rêvée, a déclaré M. Murray, de prendre les choses en main rapidement et d’approuver les dix-neuf rivières proposées dans le cadre du programme de classification des eaux ». Toujours en parlant du nouveau gouvernement, il a ajouté : « Ils devraient être proactifs et se faire eux-mêmes les champions de ce changement. Selon moi, c’est le bon moment pour le ministre de l’Environnement de démontrer sa compétence et sa bonne foi en plus de rétablir la confiance entre le ministère et les collectivités ».

 

Avec un peu de chance, au moment où les Néo-Brunswickois s’apprêteront à sortir leurs cannes à pêche et leurs maillots de bain dans le but de profiter des cours d’eau l’été prochain, ils pourront le faire en toute confiance, avec la preuve indéniable que les règlements sont en vigueur afin d’assurer que les rivières demeureront saines pour les générations à venir.

-Jon MacNeill

 

 

 

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